D'avoir trouvé un endroit où je peux partager ma peine avec des gens ayant vécu des situations similaires, est je crois déjà un pas de plus dans le processus de guérison. Alors voici mon histoire et qui fait de moi aujourd'hui une mère en deuil.
Le 21 décembre 2019, à 40 ans, je donnais naissance à deux magnifiques enfants, Noam et Lénora. J'avais eu une magnifique grossesse et mon accouchement s'est bien déroulé. J'ai été évidemment stressée à cause de mon âge et que ce soit des jumeaux...peur de faire une fausse couche, peur qu'ils soient malades, peur de la trisomie...des peurs de futurs parents. Et puis, quand je les ai tenus dans mes bras et qu'ils semblaient en pleine santé malgré leur 36 sem, j'ai été soulagé. Je me suis dit naïvement que le pire était passé...
On est rentrés à la maison le 24 au matin. Juste à temps pour fêter notre premier noël en famille. J'étais si fière d'avoir mis au monde 2 si beaux bébés. L'allaitement n'était pas si évident, mais on comblait avec du lait commercial. Ma petite cocotte a mis un peu plus de temps à prendre le sein, mais au matin du 28 elle y était parvenue. Les deux en même temps..c'était un moment de pur bonheur. Et puis, au boire suivant tout a basculé. Elle s'est mise à pleurer et gémir. J'ai pensé que c'était en réaction à mon lait..je me suis dit que c'était une réaction normale à un changement de nourriture...je l'ai mise contre mon avant bras et je l'ai bercée et elle s'est assoupie..mais après 4h elle ne réagissait plus et son petit coeur s'est mis à s'emballer ....Sur le coup, je me suis dit que c'était mieux que ce soit papa qui aille à l'hôpital et que je reste avec le petit...J'ai pleuré, beaucoup pleuré mais je me disais que tout irait bien.
Et puis tout a déboulé...avec les spécialistes en périnatalité du CHUL (j'habite à sept-îles depuis quelques mois), ils ont soupçonné une infection à streptoccoques. Ils l'ont intubée et mis sous antibiotiques (ce que j'ai appris les jours suivants c'est que le traitement a tardé de 2h, car le message entre l'urgence et les soins perinataux ne s'était pas transmis immédiatement...). Le soir même elle a été transférée à Québec en avion et papa l'a rejointe le lendemain matin.
J'ai tout de suite regretté de ne pas avoir été celle qui soit partie. D'être si loin d'eux, seule avec un nouvel enfant, dans une nouvelle ville, loin des amis et durant la période des fêtes...déjà de vivre ça en soi c'est juste épouvantable. Et je me suis mise à faire des recherches....et j'ai commencé à me passer dans ma tête tous les scénarios possibles ....le lendemain après-midi, ils ont demandé à ce que Noam reçoive aussi des antibiotiques ici à Sept-îles...faut comprendre que l'une des causes de cette infection, c'est que la mère est porteuse(Dans mon cas, les résultats des tests avaient été négatifs...) et le transmet lors de l'accouchement (ça n'arrive presque plus ce genre d'infection puisqu'on fait le test avant). Et ensuite, par précaution (et parce qu'on a aussi voulu que je sois près de la petite), on nous a aussi transférés à Québec le 29 décembre en soirée.
Ma belle princesse, quand je l'ai revue, elle était tout enflée et branchée de partout. Et j'ai pleuré et pleuré...mais il y avait toujours une partie de moi qui se disait que les antibiotiques feraient effet et tout se placerait...on faisait la marche entre elle, Noam et notre chambre juste à côté. Noam allait bien. Je l'allaitais et retournais voir sa soeur...et je pleurais et pleurais.
Le 30 décembre, les médecins avaient de plus en plus de difficultés à maintenir l’oxygénation de Lénora, et l’IRM a montré des dommages irréversibles à l’ensemble de son cerveau. Le 1er janvier au matin, nous avons décidé de laisser partir notre petit ange. Nous avons passé plusieurs heures avec elle à lui chanter des chansons, la bercer et être à côté de son petit frère. Et puis, il fût venu le moment de retirer le dernier tube... Étrangement sur le coup, je suis devenue très calme, voire apaisée. Je l'ai bercée, lavée et habillée avec l'aide de l'infirmière...je ne souhaite évidemment à personne d'avoir à vivre ça...ces derniers moments sont à tout jamais gravés dans mon esprit...pour le meilleur et pour le pire.
Pendant plusieurs semaines après, j'étais paniquée lorsque Noam se mettait à pleurer (encore aujourd'hui) et lorsque j'entendais mon conjoint ronfler, l'image de la petite à son dernier souffle venait me hanter.
Aujourd'hui après bientôt 5 mois, je vis encore avec la culpabilité...j'aurais dû savoir qu'elle n'allait pas bien..est-ce moi qui lui a transmis...j'aurais dû avoir une césarienne, j'aurais dû être avec elle tout au long, j'aurais dû, j'aurais dû...
Et puis, il y a Noam. Son petit frère. J'avais si peur qu'il lui arrive quelque chose. En fait, cette peur va m'habiter à tout jamais. D'autant plus que la petite est partie à cause d'une bactérie à la con dont la moitié de la population est porteuse. Ce faire dire de ne pas s'inquiéter pour le petit quand il a atteint 1 mois car il n'était plus en danger...c'est un soulagement mais c'est aussi tellement frustrant. Mais il va bien notre petit homme et il pétille de vie. 5 mois bientôt. Chaque jour c'est un combat pour moi. À chacun de ses sourires je me demande à quoi ceux de Lénora auraient rassemblés...Mais sans lui j'aurais perdu le cap c'est évident. Évidemment, je ne suis pas la maman que je pensais être, pas aussi hop la vie en tout cas, mais je pense que malgré tout je m'en sors pas si mal...on dit que le temps apaise notre douleur.
Et puis, y a la vie qui continue de se moquer de nous. Avec la pandémie qui nous empêche de voir nos proches, nos amis. Un support moral en moins... Et qui a décidé de faire en sorte que je sois témoin régulièrement de ce qu'est des jumeaux, un gars une fille, qui grandissent en faisant en sorte que des amis d'ici soient sur le point d'en mettre au monde. Si Dieu existe, il est cruel.
J'en veux aussi à certains médecins d'avoir dit que c'était à cause de moi que la petite ait attrapée cette bactérie. En aucun moment, ils ont mentionné la possibilité que la contamination vienne d'ailleurs...le personnel, l'équipement. Et pourtant, en présence d'une infection dite tardive, c'est souvent le cas. Ils ont préféré dire que je pouvais avoir testé négativement et puis l'avoir contracté et puis ne plus l'avoir...faut le faire pareil! Je ne saurais jamais où exactement elle aura attrapé cette foutue bactérie, mais de savoir que ça ne vient peut-être pas de moi ça m'apaise..un peu. Et, je remercie les infirmières de Québec, certaines ont été des anges pour moi.
Voilà, bientôt 5 mois et j'ai encore beaucoup de difficulté à trouver que la vie fait du sens. Mais, j'ai lu dernièrement une citation de Robert Frost :
In Three Words, I Can Sum Up Everything I’ve Learned About Life. It Goes On
Ça m'a fait beaucoup pleurer, parce que c'est vrai. Il le faut. Ne serait-ce que pour ton petit frère. Mais ma petite princesse, je ne t'oublierai jamais. Tes petites billes, perles d'ébène. Ta petite bouche en coeur. Ma petite princesse, je t'aime tant.