J'ai écrit ce témoignage en juillet 2007.Bonjour à vous toutes!
Je fréquente ce site depuis environ 2 mois, mais je n'avais pas encore écrit mon histoire ici. En guise de témoignage, j'ai copieé-collé ci-bas les dernières pages de mon journal de grossesse. Je sais que mon texte est long, mais je tenais à le mettre au complet. Veuillez m'en excuser. Vous n'êtes pas obligées de tout lire ni de me répondre. Le simple fait de vous partager mon récit me soulage. J'ai aussi créé un album dans la section photos. Merci à tous d'être là! Une douce pensée pour tous nos petits Anges.
Manon, maman de son ange Angélique
Le jour de l'échographie: le lundi 16 avril 2007
Yannick et moi avions si hâte à cette fameuse journée. Après plus de 20 semaines d'attente, elle était enfin arrivée. Nous allions enfin pouvoir te voir et nous assurer que tu étais bien en santé. Ton papa, lui, était impatient de savoir si tu étais un garçon ou une fille. Nous étions si heureux et contents. Rien ne laissait présager ce qui allait se passer cette journée-là. Rien,...à part moi qui semblais un peu inquiète. L'important, c'est de savoir si notre bébé est en santé, je me disais.
Alors nous sommes partis en auto vers 11h00 même si notre rendez-vous n'était qu'à 13h00, car il faisait tempête ce jour-là. Qui aurait pensé qu'il ferait aussi mauvais dehors un 16 avril. Nous sommes montés à Québec quand même malgré la chaussée glissante et les bourrasques de vent. Il n'était pas question de reporter ce rendez-vous. Nous avions trop hâte.
Arrivés au Centre Mère-Enfant du CHUL, nous avons dû attendre une bonne heure et demie dans la salle d'attente d'échographie obstétrique avant qu'on appelle mon nom à l'intercom. Nous avions une demi-heure d'avance et il y avait du retard. En attendant, je comparais en silence ma bédaine avec celle des autres filles et je les écoutais raconter leur histoire de grossesse à tout le monde. Yannick n'en pouvait plus de les entendre. Et enfin j'entendis mon nom, c'était à notre tour!
Je me suis couchée sur la table d'examen et la technicienne a aussitôt commencé l'échographie après quelques questions de routine. Tout de suite nous pouvions voir ton petit corps, tes bras, tes jambes, ta tête et même ton coeur battre. J'ai regardé ta colonne vertébrale et elle semblait bien formée. J'étais soulagée, car je croyais que tu étais normale. La technicienne semblait cependant inquiète. Elle a fait venir le Dr. Bouchard qui a examiné les clichés de l'échographie pendant environ 1 minute. Il s'est ensuite retourné vers nous en disant : « Il n'y a pas mille façons de vous annoncer çà, je n'ai vraiment pas de bonnes nouvelles pour vous. ». À ce moment même, je me suis sentie figée. C'était comme si j'étais dans un autre monde. J'ai regardé Yannick avec des yeux très inquiets remplis de larmes et me disais que ça ne pouvait pas nous arriver. J'essayais quand même d'écouter tout ce que le médecin nous disait: que tu avais un cou très épais avec un gros kyste qu'on appelle hydroma kystique, que tu avais de l'oedème aux poumons, que ton coeur n'était pas bien divisé en quatre chambres, que l'on ne trouvait pas tes reins ni ta vessie, que le liquide amniotique était en très petite quantité, que tu avais un retard de développement de 3 semaines et que tu ne survivrais pas encore bien longtemps étant donné toutes ces anomalies systémiques. Je pleurais et me disait encore que ça ne pouvait être vrai. Yannick aussi pleurait et me serrait dans ses bras.
Le Dr. Maranda, généticien, nous a ensuite rencontrés dans son bureau. Il nous a dit que les anomalies pouvaient être dues à différentes choses et que des tests supplémentaires seraient nécessaires pour en trouver la cause exacte. L'infirmière m'a fait une prise de sang pour savoir si j'avais pu attrapper un virus dangereux pour toi pendant ma grossesse. Une amniocentèse ainsi qu'une autopsie après ton décès nous ont fortement été recommandées afin de faire une analyse complète. Nous avons accepté, car nous voulions absolument être sûrs de ce qui s'était passé avant d'avoir un autre enfant. Deux choix s'offraient ensuite à nous : soit d'interrompre ma grossesse ou d'attendre que la nature fasse ses choses comme ils me disaient. Ce fut une décision difficile. Nous avons opté pour le premier choix, car c'est celui qui nous semblait le mieux pour moi et pour toi étant donné la gravité de ton état. Je pleurais à chaudes larmes dans le bureau du généticien.
Nous avons ensuite dû attendre encore une heure pour qu'on me passe une amniocentèse. Je ne voulais pas retourner dans la salle d'attente avec toutes ces femmes enceintes heureuses qui m'auraient peut-être questionnée en me voyant pleurer ainsi. Nous sommes donc restés dans le corridor un bon moment. Je te sentais bouger vivement pendant ce temps d'attente. On aurait dit que tu sentais ma peine et aussi ce qui allait arriver. J'ai donc pleuré encore plus en flattant ma bédaine pour te consoler.
Lors de l'amiocentèse, j'étais très nerveuse. On m'avait avertie qu'elle serait difficile parce qu'il n'y avait pas beaucoup de liquide amniotique autour du bébé. Le Dr.Bouchard a dû me piquer à deux reprises et ce fut très douloureux. Mais ce qui m'inquiétait le plus et me bouleversait était de constater qu'à mesure que le test avançait, ton coeur battait de moins en moins vite. Je pouvais te voir à l'écran d'échographie. Au début de l'examen, je pouvais même voir que tu bougeais tes petits bras. Ce fut la dernière fois que je te sentis bouger dans mon ventre. Mon verdict : ton petit corps déjà affaibli n'avait pas survécu à ce test.
Après l'amniocentèse, nous avons décidé de retourner coucher chez nous à St-Georges puisque l'interruption de grossesse ne pouvait être faite avant le lendemain matin. Avant d'aller au lit, j'ai dit à Yannick de flatter ma bédaine comme il aimait le faire tous les soirs, car ça serait la dernière fois qu'il pourrait le faire. Nous avons pleuré ensemble. Cette nuit-la, je n'ai pas dormi. J'ai pleuré toute la nuit. J'avais le coeur déchiré de devoir te laisser partir. J'aurais tant voulu que tout soit seulement un cauchemar duquel je me réveillerais le lendemain matin. Je me demandais aussi pourquoi Dieu m'infligeait une telle épreuve. Aurais-je la force de continuer? J'aurais voulu mourir moi aussi.
Mardi le 17 avril 2007
Au matin, j'avais les yeux bouffis d'avoir tant pleuré et je me sentais très fatiguée. Il fallait quand même nous lever, car nous devions être au CHUL à 9h00 pour l'interruption de grossesse. J'y allais à reculons. Je ne pouvais m'imaginer que j'allais mettre moi-même définitivement fin à tes jours, toi que je désirais tellement. C'est très cruel! J'ai ramassé quelques affaires dans un sac pour mon séjour à l'hôpital. On était loin de la belle petite valise que j'aurais voulu préparer pour mon accouchement avec plein de petits linges pour toi. Nous sommes partis assez vite, car il faisait encore tempête ce jour-là. Normalement, j'aurais eu peur d'un accident possible en cette mauvaise température, mais là, je m'en foutais carrément! Ça ne m'aurait pas dérangé de mourir puisque je te perdais toi, mon ange, que je voulais tant.
Arrivés au Centre Mère-Enfant à 9h00, nous sommes montés à l'étage de la maternité et ils m'ont rapidement amenée à ma chambre. J'étais dans une chambre d'accouchement. Ça m'a fait un choc sur le coup puisque je venais de réaliser que j'allais accoucher. Je n'ai même pas pris le temps d' enlever mes bottes et mon manteau et je me suis assise sur la berceuse. Je me suis mise à te bercer en me caressant la bedaine. J'essayais de te sentir bouger, mais rien depuis la veille à l'amnio. Je versais des larmes en me demandant si tu étais déjà morte. Je n'ai jamais osé demander à écouter ton coeur pour voir si tu vivais encore ou si tu étais déjà décédée. Vers 10h00, l'infirmière est venue me voir pour me poser plein de questions pour remplir son formulaire de cueillette de données à l'admission. Je répondais comme un zombi. Ensuite, elle m'a demandé si j'étais certaine de mon choix de vouloir interrompre ma grossesse. J'ai éclaté en sanglot en lui disant que j'avais l'impression de tuer mon bébé. Elle m'a réconfortée du mieux qu'elle le pouvait. Ensuite, je lui ai confirmé que je voulais continuer les démarches pour interrompre ma grossesse. J'ai demandé à voir la médecin qui s'occuperait de moi, mais elle était occupée avec une césarienne. Avec encore mon manteau et mes bottes, j'ai continué à te bercer en pleurant.
Vers 11h30, enfin Dr.Morin vient me voir avec une de ses résidentes. Elle me dit qu'elle a vu les photos de l'écho et me reconfirme que ton petit corps était bien mal en point. Je lui demande si il y aurait une petite chance que tu puisses survivre. Elle me dit que non, étant donné la gravité de tes anomalies. Elle me rassure en me disant que je prenais la meilleure décision pour moi et pour toi. Elle m'explique ensuite la procédure qui consiste à me placer des comprimés dans le vagin aux 4-5 heures pour activer des contractions de mon utérus. Que ça peut prendre de 4 à 8 doses avant d'accoucher. Je suis découragée d'entendre ça, moi qui pensait que ça pourrait se faire vite.
À midi, l'infirmière me dit d'enlever mon manteau, mes bottes et mon pantalon et de me coucher sur le lit, car le médecin viendra bientôt pour ma 1ère dose. 12H10, la résidente est là pour m'insérer les comprimés dans le vagin. Il y en a 4, et à chaque fois qu'elle m'en insère un, je me sens coupable.
Je dois ensuite éviter de bouger et rester coucher pendant 1 heure. L'attente est longue. Ton papa Yannick me tient compagnie, mais il ne sait pas trop quoi faire. Une heure passe,...deux. Toujours rien. L'infirmière viens nous demander si nous voulons te voir après ta naissance. Je voulais absolument te voir et ton papa aussi, même si nous avions un peu peur. Elle nous demande ensuite si nous voulons des photos et des souvenirs de toi. Je lui réponds que je veux tous les souvenirs qu'il peut être possible d'avoir. Elle nous dit qu'elle ou ses collègues s'occuperaient de tout le temps venu. Elle nous a parlé de la possibilité de rencontrer un agent de pastoral, mais nous lui disons que nous allons attendre après ta naissance afin qu'il te bénisse. Finalement, elle nous demande si nous voulons disposer nous même de ton corps. Ce fut un autre choc pour moi! Cette question-là je ne l'avais pas prévue. Quelle question! Moi et Yannick avons eu la même réaction. L'infirmière nous a laissés pour que nous en discutions. Au début, je voulais que tu sois enterrée dans un petit cercueil au cimetière. Dans nos familles, c'est le rituel habituel pour les défunts. Mais plus j'y pensais, plus je me disais que ce n'était pas vraiment ce que je voulais. J'ai suggéré à ton papa que tu sois incinérée et que nous gardions ta petite urne à la maison. Il a tout de suite été d'accord avec cette idée. Elle lui convenait mieux à lui aussi.
16H00, je sens mon ventre un peu tendu, mais rien de plus. Je suis impatiente de voir arriver le doc pour ma 2e dose de comprimés. 17H00, elle n'est toujours pas venue. J'appelle l'infirmière et lui demande si j'aurais ma 2e dose bientôt, car j'ai hâte d'en finir! La résidente se pointe à 17h20. Je m'excuse d'être aussi impatiente. Elle m'insère les comprimés et je prie pour que ça se passe au plus vite. Une heure plus tard, je commence à avoir des contrations très incommodantes dans le vagin et j'ai le ventre très tendu. 19H00, j'ai la diarhée et je grelotte comme une feuille (je fais de la fièvre). Ce sont des effets secondaires normals du médicament selon le médecin.
À 21h30, je reçois ma 3e dose de comprimés. Je suis tannée! J'ai hâte qu'il se passe quelquechose. Je me sents faible et je grelotte. On me prescrit du Tylénol. Je réussis à m'endormir un peu vers 22h00, mais je me fais réveillée aux 15 minutes. L'infirmière qui vient prendre ma température, l'anasthésiste qui vient me parler des types de médications anti-douleur pour l'accouchement, la préposé qui vient remplir mon pichet d'eau,etc. À minuit, je réussis à me rendormir. En me couchant sur mon côté gauche, je sentais moins les douleurs et le Tylénol avait fait baisser un peu ma fièvre.
(**VOIR LA SUITE CI-BAS)