Mon petit Kerrian est mort le 12 février dernier après 36 semaines de grossesse. On ne sait pas pourquoi et je crains de ne jamais le savoir (on retourne à l'hôpital début mai).
Tout à finit un mardi ... Le matin, je rencontrais l'asmat qui devait le garder. Je n'ai pas été attentive au fait de le sentir bouger ou pas. Le midi, en allant chercher mon fils à l'école, je me suis demandée si le bébé avait bougé ou pas. Je me suis dit que j'allais attendre la sieste de l'après-midi pour voir si le bébé bougeait (en général, il bougeait pendant ma sieste). La sieste vient, j'essaie de le sentir. Je crois percevoir un tout petit mouvement, mais pas sûre. Je finis par appeler l'hôpital qui me dit de venir le plus rapidement possible. Je m'organise pour laisser mon fils à la garderie, je réveille ma fille de sa sieste et je pars.
J'arrive à l'hôpital :
- 1ère écho : "je ne vois pas très bien, je vais demander à l'interne qui fait mieux les échographie que moi." Dans ma tête je me dis qu'il y a peut être quelque chose, mais je n'imagine pas encore le pire. Ce qui m'inquiète quand même un peu, c'est que la SF a mis l'appareil à un seul endroit de mon ventre, sans le bouger et elle me dit qu'elle ne voit pas très bien.
- 2ème écho : "je ne vois pas très bien, je préfère demander au médecin". Idem que la 1è, elle ne bouge pas l'appareil sur mon ventre. Je lui demande, très calmement, sans affolement "le bébé est mort ? Dites-le moi. Je viens de perdre ma mère, je suis dedans, dites-le moi." Mais non, elle me dit qu'elle préfère que le médecin vienne. Là, je me dis que le bébé est mort.
3è écho : le médecin arrive, tic sur le fait que ma fille soit avec moi. Elle pose l'appareil exactement au même endroit que les deux précédentes. Je lui dit "le bébé est mort?" Elle me répond immédiatement "Oui".
Alors là, gros pleurs. Moi : "Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour lui?" Médecin "Non". Là, je sais que c'est finit et je suis complètement pommée.
Moi : "Il va falloir faire une césarienne?"
Médecin : "Non, le bébé a sortir par voie basse".
Moi : "Il va falloir le déclencher ?"
Médecin : "Le travail peut se mettre en route tout seul, sinon, on vous déclenchera demain matin".
Moi : "Je vais rentrer chez moi."
Médecin : "On ne vous laisse pas partir comme ça. Appelez votre mari et on va attendre qu'il vienne pour vous expliquer ce qu'il va se passer".
Entre ce moment et l'accouchement, plus aucun pleurs de ma part. Ma seule pensée à été : il faut que ce truc sorte de mon ventre. Je voulais qu'il sorte et qu'on le mette à la poubelle, ne laisser aucune trace de ce bébé.
Médecin : "si vous avez de la layette pour le bébé, vous pouvez l'amener".
Moi : "Pour quoi faire?"
Médecin : "si vous aviez pensé à un prénom, vous pourrez le lui donner"
Moi : "Pour quoi faire?"
Médecin : "Vous pourrez inscrire le bébé sur votre livret de famille"
Moi : "Pour quoi faire? Je ne veux pas d'un mort sur mon livret de famille".
Médecin : "Vous aurez le temps de réfléchir à tout ça. Dans un premier temps, c'est normal de faire l'autruche".
Je savais que j'étais amenée à évoluer dans mes sentiments vis à vis de ce bébé.
Finalement, le travail c'est mis en route spontanément dans la nuit de mardi à mercredi. J'ai décidé de ne pas avoir de péridurale, comme mes deux premiers. En partant à la maternité, je me suis dis que j'allais souffrir pour rien (mais j'ai très peur de la péri!).
J'ai donc accouché par voie basse, sans péri. A la première poussée j'ai pensé : "il faut que ce bébé mort sorte". Aux poussées suivantes je me suis dis : "il faut que mon bébé sorte", comme pour les deux premiers. A partir de ce moment, je n'ai plus considéré mon bébé comme une chose morte qui devait sortir de moi mais bien comme mon bébé. Mes pleurs ne sont revenus qu'une fois le bébé sortie. Je n'ai pas pleuré pour la naissance de mes deux premiers.
Je n'ai pas voulu voir mon bébé. Par contre, j'ai demandé tout de suite le sexe. Puis, quelques heures après l'accouchement une SF est venue nous voir. Elle nous a dis que le bébé était beau et que si on voulait le voir, il serait plus beau maintenant qu'après car sa peau allait noircir. On a donc décidé de voir notre bébé.
Je n'ai pas pu m'empêcher de le toucher, de le caresser (chose que je n'ai pas pu faire pour ma mère, morte 9 jours plus tôt). Je lui ai dis que je voulais prendre une revanche sur la vie, pour lui.
Je crois qu'après l'accouchement, mes sentiments pour mon bébé ont complètement changé ; c'était bien mon bébé, comme les deux autres.
Le lendemain, j'ai demandé à le voir. Je l'ai touché, caressé, parlé (à chaque fois je lui disait que c'était dommage, qu'il était près, qu'il fallait que je prenne une revanche sur la vie pour lui). Notre fils de 4 ans nous a demandé à voir son frère. On l'a emmené puisqu'il avait vu ma mère morte 7 jours plus tôt. Il a touché et caressé son frère, a pris les doigts de son petit frère et a joué avec. C'était un moment très agréable et émouvant.
Le surlendemain, j'ai eu envie de porter mon bébé dans mes bras. Je serais restée des heures avec mon bébé dans mes bras, à lui parler. Le midi, il partait au funérarium.
Je suis aller voir mon fils tous les jours au funérarium et je l'ai pris dans mes bras à chaque fois. Je l'ai beaucoup caressé. Le matin de la mise en bière, je lui ai tellement tenue et caressé la main qu'elle c'était u peu réchauffée!
J'ai été incapable d'aller aux pompes funèbres. Par contre, j'ai eu besoin de déposer mon fils dans son cercueil.
Malgré les médocs, j'ai eu une montée de lait juste au moment où je me séparais de mon fils pour la dernière fois, au moment où il partait pour la crémation.
Nous avons eu l'accord de notre mairie pour répandre les cendres de notre fils dans notre jardin. Je retourne les voir de temps en temps. Je suis heureuse que les cendres de mon fils soient chez moi, et pas n'importe où.
Je vous avoue que tout ce que j'ai fait pour mon fils n'est pas ce que j'aurais fait si j'étais restée sur mon premier sentiment de rejet total. J'ai dis à mon fils ce que j'avais pensé de lui.
L'accouchement de mon fils a été aussi beaucoup plus fort que les deux autres. J'ai vraiment tout ressenti (j'ai eu très mal!! mais je ne regrette pas). Mon fils mort a eu la même naissance que les deux précédents, ce qui ne le différencie pas. Il a eu aussi son album photo et sa peluche comme les deux premiers.
J'espère avoir un 3è enfant vivant ...