À 20 ans, je suis tombée enceinte alors qu'on m'avait dit que ce serait impossible pour moi. Deux ans auparavant j'avais une tumeur de la glande hypophyse qui avait nécessité plusieurs traitements. Comme cet enfant était un petit miracle, j'ai décidé de garder cette petite fille même si je savais que je devrais l'élever seul. Alors ma petit Léane est née il y a 8 ans. Peu de temps après sa naissance, j'ai rencontré Simon, celui qui allait devenir mon mari et le père des mes enfants. En 2009, est venu se joindre à notre famille, Louis-Philippe, notre petite boule d'énergie. Mon conjoint a manqué la naissance de notre fils. Il était à l'extérieur pour son travail et il est arrivé 7h après la naissance de Loulou.
En janvier 2012 nous avons décidé d'avoir un autre enfant. Mais le parcours allait être beaucoup plus long. Ça l'aura pris un an avant que petit bébé prenne place dans mon ventre. La grossesse s'annonçait pénible mais on allait y arriver. En effet, je me suis cassée un pied la journée où j'ai appris que j'étais enceinte, je vomissais plusieurs fois par jour et ce, jusqu'à la 20e semaine, j'étais épuisée et j'avais de la difficulté à m'occuper des mes deux autres enfants. Mais on avait attendu cet enfant avec tellement d'impatience qu'on faisait avec.
Lorsque j'ai su que j'étais enceinte, mon fils de 4 ans a décidé que le bébé s'appellerait Mathéo. Sans savoir si ça allait être une fille ou un garçon. Lors de l'écho de routine à 19 semaines, nous avons appris que c'était un garçon. Alors c'était décidé, il s'appellerait Mathéo. Mais l'écho ne s'est pas passé comme prévu. La gynéco, qui est aussi une connaissance, a vu des malformations. Mathéo avait la tête allongée (forme citron) et un coeur un peu plus gros que la normal. On est transféré à Ste-Justine quelques jours plus tard. Effectivement, Mathéo a la tête en forme de citron, un pied bot mais son coeur est encore dans les limites de la normalité. Nous procédons à une amniocentèse. Trois semaines plus tard, nous avons les résultats. Tout est normal, aucun signe de spina-bifida, notre plus grande crainte. Début juin, à 24 semaines, nous retournons à Ste-Justine pour un suivi. Il trouve d'autres malformations. Le liquide amniotique a diminué. Les reins de Mathéo semblent avoir une malformation et ils ne produisent plus assez de liquide mais ce n'est pas encore inquiétant. Certains os du crâne semblent déjà soudés et la forme de sa tête a empiré. Personne ne peut nous dire pourquoi. Nous faisons donc une IRM et une analyse plus poussée du liquide amniotique. Nous essayons de garder espoir mais nous avons pas la force de commencer la chambre du bébé ou d'acheter un siège d'auto...
Le 18 juin, nous recevons un téléphone de Ste-Justine, nous devons être là le lendemain matin. Mon chum est au travail, les enfants à l'école et à la garderie. On est à 9heures de route de l'hôpital. Je sais que ce téléphone et un mauvais présage et je tente de trouver des solutions pour les enfants. Finalement, ma belle-famille s'est relayé pour les garder pendant que nous seront là-bas.
Le 19 juin, on raconte la généticienne. Le verdict tombe. Mathéo a une maladie grave. Il a un manque au chromosome 17. Ça l'aura beaucoup de conséquence sur sa vie. Les os de son crâne sont déjà soudés. Son cerveau n'aura pas de place pour se développer. Il y a aussi des malformations cardiaques et rénales. Il n'aura pas de tonus et ne pourra pas s'alimenter seul. Il ne parlera jamais et ainsi de suite. On doit prendre une décision...comment prononcer les mots qui mettront fin à la vie de Mathéo alors qu'il bouge dans mon ventre pour me montrer qu'il est encore là...
L'après-midi même, les gynécos tentent de faire ouvrir mon col. Nous avons pris la dure décision. Je dois accoucher naturellement mais mon corps est loin d'être prêt. Et je n'ai jamais accouché de façon naturelle. Mes enfants sont nés par césarienne.
Le lendemain, mon col a a peine ouvert. On insère donc des tiges de bambous pour tenter de le faire ouvrir encore. On installe aussi le soluté d’ocytocine pour déclencher les contractions. Le travail allait durer 4 jours. Quatre jours de contractions, d'attente et de désespoir de porter un enfant décédé par ma faute. Quatre jours à attendre les autres femmes accouchées et leur bébé faire leur premier cri....quatre jours interminables.
Le 23 juin, vers 7h30, Mathéo est né. Les infirmières l'ont amenés pour le nettoyer et le couvrir. J'avais peur...peur de ce que j'allais voir. Mon fils avait des malformations importantes. Mais il était beau et tellement petit. Nous l'avons regardé, déshabriller pour le regarder et compter ses orteils.
L'après-midi même je suis sortie de l'hôpital. Je n'en pouvais plus. J'avais deux enfants qui avaient besoin de moi à la maison. Plus tard,par contre, j'ai regretté. J'aurais dû profiter de ces doux moments avec Mathéo. Le bercer plus longtemps, lui donner tout l'amour possible pendant que je le pouvais encore. Mais trop tard...
Ça a pris 4 semaines avant de récupérer les cendres de Mathéo et de pouvoir faire la cérémonie des anges. J'ai planifié la cérémonie et je lui ai lu un texte. Mes enfants pleuraient à chaude larme. C'était tellement difficile...mon fils me demandant pourquoi il ne peut pas voir son frère lorsqu'il regarde le ciel...
Aujourd'hui, Louis-Philippe dit ouvertement que son frère est mort. Qu'il est parti au ciel et que chez lui, il a la poussière de Mathéo dans une petite boîte. Nous ne savons pas encore ce que nous allons faire avec les cendres. On est pas pressé...on verra...
Présentement, je profite d'un congé de maternité sans bébé...quand est-ce qu'on fait pendant ces semaines là à part tourné en rond et penser à Mathéo???
Voilà l'histoire de Mathéo, notre petit ange de qui maintenant il nous reste que nos souvenirs et sa poussière...