Je ne sais pas si venir sur ce forum pourra m'aider d'une façon ou d'une autre, mais j'essaie et c'est déjà ça...
Mon conjoint et moi attendions avec impatience nos deux petites filles pour la fin du mois de mai.
Lorsque nous avions appris que nous attendions des jumelles, j'ai regardé mon conjoint qui était certain qu'il y aurait deux bébés sur l'écho. Je lui ai dit qu'il avait gagné son pari et j'ai ri.
Le lendemain, nous n'imaginions plus la vie à trois, mais à quatre. C'était pour nous une évidence... Deux bébés en même temps... C'était parfait.
Nous savions que la grossesse serait plus délicate. C'était une grossesse monochoriale biamniotique. Ce qui veut dire un placenta et deux poches, et donc des risques de syndrome transfuseur-transfusé... Il allait donc falloir être très vigilants, surtout que j'avais fait une fausse couche qq mois auparavant.
Mais nous étions si heureux...
Le début de grossesse s'est bien passé. J'étais très stressée mais mon conjoint a toujours su trouver les mots et les gestes pour m'apaiser. Sans lui, je ne suis rien...
Au mois de janvier, à cinq mois de grossesse, j'étais fort fatiguée par mon travail d'enseignante et j'avais qq contractions.
Mon gynécologue m'a donc mise en arrêt jusqu'à la fin de ma grossesse et je suivais un traitement d'Utrogestan. Je me repose alors beaucoup.
Tout allait bien, nos petites filles chéries grandissaient à merveille et je les sentais bouger de plus en plus dans mon ventre. Une sensation que je ne saurais expliquer mais qui apporte un bonheur infini, surtout lorsque je partageais les coups avec l'amour de ma vie. Il était très impressionné!
Le triple test nous a apporté de bons résultats. Mais je n'étais pas encore pleinement sereine concernant le risque de trisomie, mon gynéco nous a donc proposé d'effectuer un nouveau test de dépistage, à Bruxelles. Ce test est envoyé au Japon et apporte une réponse fiable à 99/100
L'attente fut longue mais les résultats ont confirmé le premier test:aucun risque de malformation génétique. Le soulagement.
Les deux échos morpho sont aussi très bonnes, ainsi que le test du diabète. Bref, tout va très bien.
Je continue alors ma grossesse sereinement.
Nos princesses passent la barre du premier kilo, un bonheur.
Le 14 avril, lundi matin, je passe faire une écho "de routine" chez mon gynécologue. Les petites vont très bien, les coeurs battent correctement. Il trouve que mon col est un peu court et les petites ont 200 grammes de différence mais il dit qu'il ne faut pas s’alarmer, que je vais faire une écho la semaine d'après et que si l'écart de poids devient trop important, on agira. Il me demande de rester couchée un maximum de temps à cause du col court.
Nous rentrons à la maison.
Le soir, j'ai pour habitude de placer un doudou musical sur mon ventre. Je le fais depuis plusieurs mois, et, à chaque fois, mes filles entendent la musique et bougent. Marion a l'habitude de pousser ses fesses contre mon sein droit et Romane donne des coup de pieds dans le matelas si j'ai le malheur de me coucher sur le côté gauche... Ce soir là, je trouve qu'elles ne bougent pas beaucoup. On m'avait dit dans mon entourage de ne pas trop m'alarmer si elles bougeaient moins au 7ème mois, car elles manquaient de place et donc les mouvements seraient moins importants.
Je caresse mon ventre, puis m'endors...
Le lendemain, mardi 15 avril, je me lève et déjeune.
Je ne sens pas mes petites bouger et je me dis avec mon compagnon qu'elles dorment peut être.
Je me sens fatiguée et je m'endors une heure dans le divan.
Mon compagnon part faire qq courses.
A mon réveil, je ne les sens toujours pas. J'ai un Doppler à la maison qui m'a permis d'entendre les coeurs de mes filles toute ma grossesse.
Je décide d'écouter, et je n'entends rien...
Mon compagnon revient et nous partons à l’hôpital.
Je suis prise en charge tout de suite. Une infirmière fait un doppler et n'entend rien du tout.
Une gynéco spécialisée me fait alors une écho et nous dit "je n'ai pas de bonnes nouvelles..."
Je fonds en larmes, je crie, mes princesses sont décédées en moi, toutes les deux... Et pendant ce temps, je dormais dans mon divan... Même si je sais que je n'aurais rien pu faire, je m'en veux énormément d'avoir dormi ce matin là, alors que mes filles mouraient...
Mon gynéco arrive et je lui demande de refaire l'examen, il confirme. J'étais à 31 semaines et 4 jours...
Je n'ai jamais ressenti une telle douleur de ma vie. Je ne comprends pas comment du jour au lendemain, tout peut s'arrêter, s'écrouler. Nous sommes anéantis.
Mon gynéco tente de trouver une cause mais rien. Il est préférable pour moi, mon corps et psychologiquement que j'accouche par voie basse.
On me donne alors des médicaments pour ouvrir le col. J'ai du mal à atteindre les 4 cm, mais une fois arrivée à 4, je passe à 10 cm en une heure seulement.
Tout va très vite, on m'explique comment ça va se passer.
Je dis que je veux voir mes petites filles une fois qu'elles seront nettoyées et habillées, ce que je regrette aujourd'hui car j'aurais voulu les avoir directement dans mes bras, pour que mes bras soient les premiers dans lesquelles elles allaient être, et pas ceux d'une infirmière...
J'accouche d'abord de Romane, qui avait fait ses scelles dans le liquide. je saurai par la suite que c'est elle qui a eu un problème en premier et a donc "entraîné" Marion dans le décès. Mais ce n'est pas de sa faute.
Ensuite, on me perce la deuxième poche pour accoucher de Marion 13 minutes plus tard.
Les infirmières ne traînent pas à m'apporter mes filles dans les bras.
Elles sont magnifiques toutes les deux et se ressemblent si fort.
Nous profitons d'elles un moment, puis le gynécologue revient. Il nous propose une autopsie, avec tout ce que cela implique. Nous refusons. On ne veut pas que l'on charcute nos si belles petites filles, pour en plus ne pas avoir de réponse avec certitude.
Nous passons la nuit à l'hôpital et retournons voir nos anges deux fois le lendemain.
Nous passons encore une nuit pour être certains que tout aille bien physiquement pour moi. Nous retournons voir nos petites filles et les prendre une dernière fois dans nos bras. Je savais que ce serait la dernière fois que je pourrais les serrer et ce fût un déchirement lorsque j'ai dû les rendre.
Nous les avons enterrées ce samedi, et j'ai l'impression qu'une partie de mon coeur est descendu dans la tombe avec elles.
Je n'arrive pas à imaginer notre vie sans elles, sans nos merveilleux projets pour elles. J'ai peur d'oublier leur odeur, la douceur de leur visage.
Nous faisons un jour à la fois, mais les journées sont longues et les nuits difficiles.
J'ai un compagnon formidable qui me soutient beaucoup, au détriment parfois de ses propres sentiments. C'est un merveilleux papa.
Ce qui me fait mal c'est que mes filles n'ont même pas eu la chance d'ouvrir leurs yeux même une minute, juste pour voir que leur papa et leur maman étaient là pour les réconforter et pour qu'elles n'aient pas peur. Même pas une seule minute de bonheur...
Je sais qu'il faudra du temps, bcp de temps, mais je n'arrive pas encore à nous imaginer sans elles à nos côtés... J'ai le coeur brisé, arraché et piétiné.
Nous attendons encore les résultats des analyses du placenta, ... J'ai peur de n'avoir aucune explication et de devoir me dire que nous n'avons pas eu de chance. Cette explication est trop simple pour moi. J'ai besoin de mots concrets.
Je cherche des parents ayant vécu la perte de leurs jumeaux in utero en même temps, pour savoir que nous ne sommes pas seuls... Mais je ne trouve pas.
Je trouve souvent des témoignages avec un jumeau survivant mais jamais deux jumeaux décédés en même temps...
Merci de me lire, et si ce site peut "m'aider" un peu...
Elles étaient magnifiques...