Je suis tombée à l’eau. Des eaux froides, rapides et les vagues font parfois plus de 10 pieds de haut. J’essaie tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau et de rejoindre la rive. J’ai peur de ne pas y arriver, les vagues sont tellements grosses, j’ai peur de me noyer.
Ça fait des heures que je nage et je commence à perdre des forces. J’essaie de me dire que tout va bien aller, qu’il ne me reste que quelques pieds avant de rejoindre la rive mais à chaque vague, ma tête calle sous l’eau. Je suis fatiguée, découragée et je suis complètement gelée, j’ai mal partout dans mon corps. J’ai le coeur qui veut exploser à force de nager et l’angoisse qui c’est tranquillement, au fil des heures, transformée en terreur.
Je suis si désespérée, je pense que je n’y arriverai pas. Je refuse cependant de me laisser aller, j’aime beaucoup trop la vie et je pense à ceux que j’aime et cela me donne un petit regain pour continuer.
Au loin, sur la rive, je vois des gens. Je ne les envie pas, je ne suis pas jalouse. Lorsqu’on est en détresse, ce ne sont pas des sentiments que l’on vit. Tout ce que je desire en les voyant, c’est de les rejoidre sur la rive. Je vois des membres de ma famille et quelques amis qui me lancent des bouées. Il y en a même un qui a plongé pour venir me chercher et l’espoir revient un peu. Je vois aussi d’autres gens sur la rive qui me regardent sans rien faire. Ils se disent que je sais très bien nager et qu’ils n’ont pas besoin de venir m’aider. Il y a aussi ceux qui restent là, figés, ne sachant pas quoi faire pour me venir en aide.
Épuisée, je me tourne sur le dos et me laisse flotter quelques instants afin de me reposer un peu. Derrière moi, il y a un bateau. Je me crois sauvée lorsque tout à coup, une grande perche vient vers moi et me calle sous l’eau. Je n’en crois pas mes yeux. Sur le bateau, ce ne sont pas des étrangers qui ne me connaissent pas qui tiennent la perche mais bien des gens que je connais, que j’aime et que je sais qu’ils m’aiment. Pourquoi font-ils cela? Je suis terrorisée et l’espoir que j’avais d’être sauvée s’évanouie et la panique s’empare de moi. Je suis terrorisée de voir que des gens en qui j’avais confiance et que je croyais être là pour moi essaient de me noyer. Je sais que ce n’est pas de la méchanceté, ils ne sont simplement pas conscients de ce qu’ils font car ils ne comprennent pas que je suis en train de me noyer. Je me raccroche à cette pensée mais je ne sais pas si une fois sur la rive je vais être capable de leur pardonner et cela me désole car je les aime malgré ce qu’ils m’ont fait.
Je ne sais pas comment se terminera mon histoire. Lorsque je vois une femme enceinte ou une mère avec son bébé, je sens la perche me caller sous l’eau. Je suis incapable de m’expliquer pourquoi j’ai cette réaction. Je crois que c’est simplement la détresse.
Pour le moment, j’essaie de garder la tête hors de l’eau et lorsqu’on est en train de se noyer, oui on cesse de penser aux autres mais c’est pour sauver sa peau et on compte sur ceux qu’on aime pour nous aider.
Tout ce que je veux c’est rejoindre la rive, c’est-à-dire être celle que j’étais avant Léonie. Et si un jour je dois à mon tour sauver une personnes que j’aime, je serai de celles qui se jettent à l’eau car je sais ce que c’est que d’être abandonnée, c’est-à-dire… incomprise.
Un deuil c’est long, très long. Plus le temps passe et plus les vagues diminuent mais le danger de me noyer est toujours présent. Je sais que même si j’essaie d’expliquer mes sentiments, certaines personnes n’arrivent pas à comprendre et je l’accepte. Tout ce que je demande à ces gens là, c’est de me donner du temps, de me respecter dans mon deuil et de respecter les moyens que j’ai trouvé pour m’aider à m’en sortir. Quand à la maternité, je suis dans l’incertitude et cette incertitude m’angoisse profondémment.
Je sais que malgré mon histoire, certaines personnes ne comprendront toujours pas mon état d’âme. Mais au moins cela m’a fait du bien de l’écrire et aussi de la faire lire et ce, malgré l’incompréhension.