Bonjour les paranges, je suis ici depuis quelques temps déjà, aujourd'hui j'ai envie de vous raconter la perte de mon petit garçon...
Le 22 septembre 2012, j'épouse mon mari avec qui je suis depuis 4 ans. C'est l'amour, c'est la fête, c'est magique. Deux jours plus tard, nous partons en voyage de noces et en partant on décide de ne pas emporter de préservatif... Nous voulons un enfant, on est si heureux, tout va bien dans notre vie, laissons-la nous apporter ce cadeau! Elle se montre très généreuse, puisque le 10.11.12, j'apprends que je suis enceinte. On est fou de joie. Un petit bébé va venir partager notre vie en juillet! On essaie de garder la tête froide et de ne pas s'emballer, mais nous sommes si heureux. Les premiers mois sont ponctués par des nausées assez violentes et la peur de la FC. Il paraît que ça arrive tellement souvent, je deviens une psychotteuse WC... Mais bébé est bien accroché, passent les trois mois et je me dis voilà, on est tiré d'affaire pour les FC. A partir de là j'ai laissé libre court à ma joie. Nous emménageons dans un appartement plus grand, j'avertis mes deux employeurs, j'annonce à l'un d'eux que je ne renouvellerai pas mon contrat pour ne garder plus qu'un seul emploi pour pouvoir m'occuper de mon bébé quand il sera né. Tout se passe très bien, j'organise mon congé maternité, on réfléchit aux prénoms (un prénom garçon et un prénom fille, car on veut avoir la surprise). Ma grossesse se déroule comme un rêve, les échographie s'enchaînent et les bonnes nouvelles aussi. Notre bébé est en pleine santé, il grandit normalement, tout va bien. Mon ventre s'arrondit, je me sens épanouie, jolie... Parfois un nuage noir plane au-dessus de ma tête : c'est trop beau, on est trop heureux, ça ne peut pas durer, on a trop de bonheur, on a tout.
Arrivent la 37e semaine, je commence à être impatiente. J'apprécie chaque instant de cette grossesse, mais là tout à coup, je deviens impatiente. Je suis pressée de connaître mon bébé. J'aimerais qu'il sorte... le serrer dans mes bras. Mais apparemment il est au chaud et bien dans mon ventre car il n'a pas l'air décidé. 38e semaine... une nuit je me réveille. J'entends un bruit bizarre. Je mets du temps à réaliser que ce bruit vient de mon oreille... J'ai un acouphène... Merde alors... Bon, il paraît que ça arrive souvent en fin de grossesse, à cause de la pression sanguine qui augmente. Je ne m'en fais pas, il n'est pas constant et après tout, je suis au bout, bébé va bientôt sortir. Il va sortir n'est-ce pas? Je suis de plus en plus impatiente. Voir mes copines Juillettes accoucher autour de moi commence à me peser, je me sens triste à chaque naissance que j'apprends.. Mais je suis au bout de ma grossesse, mes hormones me jouent des tours...
39e semaine... Une nuit je me réveille, mon acouphène est déchaîné. Mon oreille gauche hurle littéralement au rythme des battements de mon coeur. Mon accouphène devient constant. Je ne peux plus dormir, je suis à bout. Mais bébé bouge toujours autant, il est en forme. Mais pourquoi tu ne sors pas, bébé? J'ai l'impression que c'est le moment mais que tu ne veux pas venir. Plusieurs fois, quand papa rentre le soir à la maison, je pleure, je lui dis que j'ai l'impression que tu ne veux pas venir, que tu ne viendra jamais. Ton papa et moi on met cela sur le compte de la fin de grossesse. Jeudi soir, nous appelons la maternité. Mon acouphène me rend folle, mais je n'ai jamais douté que toi mon bébé tu allais bien. Ne sachant plus quoi faire pour mon acouphène, nous nous rendons à la maternité pour vérifier que tout va bien. Monitoring, échographie, contrôle ORL, tout va bien, on rigole, on plaisante avec le sage-femme, la gynécologue, on me donne un calmant pour dormir un peu, ça m'aide, je peux dormir qq heure avant de me rendre à mon contrôle à terme le lendemain, vendredi. Re-batterie de test, monitoring, écho... tout va bien. "Souhaitez-vous que l'on fixe la date de la provocation madame?" Je réponds que oui, volontiers, mais pas trop trop tôt, je ne veux pas brusquer bébé s'il est bien dans mon ventre, je veux le laisser un peu de temps pour qu'il se décide tout seul. Par contre, si dans 10 jours tu ne t'es pas décidé, on ira te chercher.
On rentre chez nous, il n'y a plus qu'à attendre que tu viennes. La nuit de samedi à dimanche, retour à la maternité à cause de mon acouphène, je demande un autre calmant pour passer la nuit, et on me refait un contrôle... monitoring, échographie, mon bébé tu vas tout bien, tout est normal! Bon bon, on rentre chez nous et on attend...
Le lundi, je décide d'aller faire une séance d'acupuncture chez une sage-femme pour voir si ça te décide à pointer le but de ton petit nez... On écoute ton coeur, tout va bien, elle me pose les aiguilles, je me détends, je rentre chez nous... J'attends. Le soir, je dis à ton papa "Il me semble que je ne l'ai pas trop senti cet après-midi..." mais je ne m'inquiète pas trop, c'est déjà arrivé. On se dit que tu te prépares à venir! On va se coucher, on te parle, on te dit bonne nuit. A ce moment là, tu étais mort et on l'ignorait. Je passe une nuit difficile avec mon acouphène. Au milieu, de la nuit, je me réveille en sursaut. Quelque chose me traverse l'esprit, mais je referme les yeux et me rendors. Le lendemain, le mardi, je ne te sens toujours pas bouger. Avec papa on décide d'aller à la maternité pour un contrôle, persuadés qu'ils allaient nous garder pour m'accoucher, on hésite même à prendre la valise, qui est prête depuis presqu'un mois...
Arrivée en salle d'accouchement pour le contrôle. La sage femme pose le monitoring sur mon ventre... Je me souviens de sa moue, je me souviens du silence, ce silence... Je me souviens de mes larmes. Je me suis mise à trembler à murmurer non, non, ce n'est pas vrai non, je regarde ton papa assis un peu plus loin, il me lance un pauvre sourire, l'idée lui a traversé l'esprit mais il ne veut pas y penser, il s'approche de moi en souriant, on me dit qu'on va chercher la gynécologue pour une écho, mais non, pas besoin d'une écho, je le sais, tu es mort mon bébé tu es parti, la gynécologue arrive, pose la sonde sur mon ventre mais je le sais déjà mon bébé tu es mort, un coup d'oeil sur l'écran me montre que tu es immobile, que la ligne de ton petit coeur reste plate, je sens la gynécologue poser sa main sur la mienne, sa voix me dire "Je suis désolée son petit coeur ne bat plus" et là je hurle, mon bébé, je hurle je ne sais pas pendant combien de temps, je hurle si fort, je n'arrive plus à m'arrêter, je me tourne vers ton papa qui me serre dans ses bras ou qui s'accroche en pleurant en disant "Non non non pitié non", je lui dis "Je suis désolée mon Dieu, j'ai tué notre bébé, pardon pardon". "Notre vie ne s'arrête pas là, il y en aura donc je te le promets", me dit mon mari en me serrant fort fort contre lui. On se serre, on s'accroche l'un à l'autre pour ne pas tomber, car autour de nous tout s'écroule, le monde s'est écroulé, le monde n'existe plus, il n'y a plus que nous deux, accroché l'un à l'autre, criant et pleurant, plus rien n'existe en dehors de ce cauchemar.
Appeler la famille. Il est 7h du matin, j'ai dépassé mon terme de 3 jours, ils vont croire qu'on les appelle pour annoncer une naissance. Mon père qui ne comprends rien tellement je pleure, qui me passe ma mère. Le message de ma soeur qui ne sait pas encore, qui me demande si j'ai bien dormi... Les amis, la famille, les connaissances, je n'ai qu'une obsession, avertir la terre entière que notre enfant est mort. Je veux qu'on m'ouvre le ventre, qu'on me l'enlève. Tout de suite, qu'on m'enlève mon bébé qu'on l'emmène loin de moi, je veux qu'on me l'enlève je veux rentrer chez moi et oublier ce cauchemar mais non ... Je dois revenir le lendemain pour accoucher... Comment? Accoucher? Comme pour lui donner la vie? C'est hors de question. "C'est mieux pour vous madame, pour vos futurs enfants". Rentrer chez nous, impossible... La chambre prête... Ses affaires... Non je ne peux pas... D'accord, allons chez tes parents. Sortir de la maternité avec mon gros ventre, comme s'il portait encore la vie, voir le regard attendri des gens se poser sur la femme enceinte que je suis. "La pauvre, elle pleure, elle est au bout de sa grossesse, elle doit en avoir marre". Non, j'ai envie de crier non, dans mon ventre il y a un enfant mort... Mon beau ventre si rond que je n'ose plus toucher. Ton papa doit venir me doucher car je suis incapable de me toucher, de passer les mains sur mon ventre. La journée du lendemain le 24 se passe dans un flou, un brouillard de visage, ma famille, ma soeur, ton papa qui se penchent sur moi, me parlent, je ne les entends pas, tu es mort, je vais devoir te mettre au monde, j'ai si peur... Seras-tu abîmé? Déformé? Bleu? J'ai si peur... Soudain je n'ai plus envie qu'on te sorte de moi, j'ai trop peur de te voir, je veux te garder tout près tout près de moi, je veux te garder toujours près de moi. Si je te mets au monde, on va finir par t'enlever à moi...
Je te mets au monde le 25 juillet. L'accouchement, étrangement, n'est pas un mauvais souvenir pour moi. Tout le personnel que l'on avait vu pendant nos contrôles viennent nous voir, nous soutenir, pleurer avec nous... Ils s'en veulent, je le sais, ils s'en veulent de n'avoir rien vu, mais maintenant je sais qu'ils ne pouvaient rien voir. Grâce à la péridurale, je n'ai pas souffert, sauf les deux heures où elle n'a pas fonctionné, mais je n'ai pas regretté d'avoir eu mal pour toi. Je ne t'ai pas donné la vie, mais je t'ai mis au monde. C'est le cordon qui t'a tué, tu es parti sans souffrir me promet-on, je veux le croire. Le cordon.... Je n'arrête pas de répéter le cordon le cordon c'est tellement bête, c'est tellement bête, ce n'est pas juste. On te montre à nous, tu es un petit garçon, en te mettant au monde j'ai fait de toi notre fils, notre petit Sacha, on te regarde, on te touche. Plus tard on te met dans nos bras. C'est si bon, si bon de te tenir... Je t'ai vu mort pourtant à ce moment là j'ai l'espoir insensé que peut-être... peut-être... mais non, tes yeux ne s'ouvrent pas, ne s'ouvrions jamais. Nous ne t'entendrons jamais pleurer, il faut que l'on grave à jamais cette image de toi dans notre mémoire, pour pouvoir la garder toujours, notre joli petit garçon... Nous ne te verrons jamais grandir, nous ne connaîtrons jamais tes goûts, jamais tu ne riras, jamais tu ne feras des bêtise, jamais jamais jamais... L'image de ton papa te tenant dans ses bras, un peu maladroitement, le visage penché sur son fils, son sourire si attendri est à jamais gravée en moi...
Plus tard nous avons désiré récupérer tes cendres, pour les disperser dans la nature, pour que tu sois dans le vent, dans la pluie, dans la neige, dans le soleil, dans les fleurs et les oiseaux, pour que tu puisses aller partout, sur les étoiles et les nuages, pour que tu puisses nous accompagner partout. Tu es partout désormais mon amour, mon fils, tu es partout, mais surtout, tu es dans nos coeur pour toujours.
Je t'aime mon ange, mon petit bébé si joli.